

Les terres rares ne sont pas rares, il suffit de savoir les extraire, selon une scientifique
Les terres rares "ne sont pas rares, le seul défi, c'est de les séparer": un moyen nouveau d'extraction, breveté par la chimiste franco-américaine Marie Perrin, lui vaut de faire partie des 10 "jeunes inventeurs de l'année" primés mardi par l'Office européen des brevets.
Née à Houston au Texas de parents français, la jeune docteure en chimie de 28 ans, qui a étudié à Toulouse, Paris, Boston et Zurich, est en train de lancer une startup baptisée "Reecover", pour tenter d'industrialiser le fruit de ses recherches.
Sur fonds d'accélération de la course mondiale aux terres rares et aux métaux stratégiques contrôlés à plus de 70% par la Chine, la jeune scientifique a mis au point une technologie jugée "plus rapide, plus propre et plus durable" que les méthodes existantes, notamment pour récupérer l'europium, l'une des 17 terres rares répertoriées officiellement, indique l'OEB, basé à Munich.
"Mais pour obtenir une tonne d'europium dans la nature, il faudrait +miner+ des tonnes et des tonnes de minerais" souligne la jeune scientifique au cours d'un entretien avec l'AFP.
Selon la Harvard International Review, l'extraction et le traitement des terres rares peuvent engendrer jusqu'à 2.000 tonnes de déchets toxiques pour chaque tonne de terres rares extraite.
Aussi a-t-elle choisi d'aller chercher l'europium là où il existe en concentration "jusqu'à vingt fois supérieures à celles contenues dans des minerais naturels": dans des déchets comme les lampes fluorescentes à basse consommation ou les tubes néons.
"Au début de ma thèse en 2019, il m'est arrivé de casser moi-même des lampes pour tenter de récupérer de l'europium" raconte-t-elle à l'AFP.
Son innovation pour récupérer l'europium de manière sélective repose sur l'interaction entre les poudres issues des lampes cassées, contenant des terres rares, et des petites molécules bio-inspirées contenant du soufre en solution. "Au bout de quelques heures, on observe la formation d'un solide, qu'il faut juste quantifier", c'est l'europium. "Ce procédé fonctionne très bien" dit-elle.
- "Une centaine d'années" -
Jusqu'à présent, "on cherchait plutôt à extraire les terres rares grâce à leurs interactions avec l'oxygène", explique la jeune femme dont le procédé permet de séparer "en une seule étape" les molécules, ce qui permet de réduire les déchets chimiques et donc la pollution générée par le recyclage, ainsi que la consommation d'énergie.
Pour monter sa startup, la jeune entrepreneuse qui a soutenu sa thèse en novembre 2024, s'est associée à sa meilleure amie de classe préparatoire-chimie, devenue spécialiste en finance, et de son ancien superviseur de thèse à l'école polytechnique fédérale de Zurich (ETH) Victor Mougel.
La montée des tensions sur l'attrait des terres rares et des métaux stratégiques et la médiatisation du sujet est "une bonne nouvelle" selon elle.
"Je trouve très bien que les gens se rendent compte de l'impact du numérique sur la planète" dit-elle.
Les terres rares ne sont pas rares, "elles sont présentes un peu partout dans la croute terrestre, en revanche elles sont difficiles à isoler: il a fallu aux chimistes une centaine d'années rien que pour les séparer, les isoler et les caractériser de façon correcte", explique-t-elle. "C'est pour cela qu'elles ont été nommées rares".
Le nom de Marie Perrin fait partie de la liste des 10 jeunes chercheurs lauréats du prix de l'OEB rendue publique mardi, sélectionnés sur 450 dossiers à travers le monde. Le palmarès des trois premiers sera annoncé le 18 juin prochain à Reykjavik en Islande.
J.Ammar--al-Hayat